aïs (?)
variante(s): ahis, ais
T: JRudP 5‑1,47 (ais A; ahis B, C) = Rn 3:576a (s. v. air) = Lv 1:38b (s. v. aïr); JRudP 5‑1,50 (ahis A, B)
La forme a(h)is dans Jaufre Rudel (Mas so q'eu vuoill m'es tant ahis, vers repris dans la tornada) a donné lieu à des interprétations diverses, que Lv, s. v. aïr, se contente d'exposer: a. est considéré par certains comme le p. p. du verbe → aïr 'haïr' et signifierait 'refusé' (Rn; JRudL); selon d'autres, a. est un adj., qui aurait soit la forme *aïs qui serait à rattacher à occ. mod. aisse 'fâcheux' (Chabaneau; pour aisse, cf. FEW 24:666b s. v. ᴀɴxɪᴀ), soit la forme *aïṉ (+ ‑s) 'hostile' de provenance incertaine (Sternbeck, Bertoni). Toutes ces hypothèses posent problème, autant sur le plan phonétique (aïtz > ‑s à la rime n'est guère admissible pour Jaufre Rudel; *aïs avec hiatus ne saurait être rattaché à aisse) que sur le plan sémantique ('haï' vs. 'refusé'); par ailleurs, l'existence d'un adj. *aïṉ 'hostile' reste purement conjecturale.
Face à ces difficultés, l'éd. Jeanroy veut remplacer la leçon tant a(h)is des mss. par *ata(h)is, substantif qui serait le pendant masc. de → ataïna n. f. (cf. JRudJ, gloss.). Toutefois, le sens de 'obstacle, chose qui fait obstacle' qu'il attribue à *atahi n. m. et avec lequel la forme est entrée dans le FEW (17:291b), ne s'insère que difficilement dans la phrase. On préférera de ce fait la solution présentée par l'éd. Chiarini (JRudC) qui, tout en acceptant la corr. de Jeanroy et en suivant Roncaglia (RoncPrTr), considère *ataïṉ 'empêché, défendu' comme un adj. verbal dér. de → ataïnar 'empêcher'; cf. pour ce type de formation, → adorn2, → afach2, etc.
L'éd. Pickens (JRudP, cf. la note au vers) propose, lui, de lire tan ta(h)is au lieu de tant a(h)is, correction qui n'exige qu'une intervention mineure et qui est corroborée par les mss. e (tot tais) et Ma (tays). D'après lui, il s'agirait alors du substantif → taïṉ, auquel il attribue le sens de 'chagrin dû au retardement' (cf. gloss. s. v. taïs). Mais tout comme dans le cas de *ataïṉ, on optera plutôt pour un adj. verbal *taïṉ 'différé', formé à partir du verbe → taïnar 'retarder, différer'.
Sternbeck 58–59 [s. v. air]; Sternbeck,Chabaneau 212; JRudJ,Bertoni 220–21; JRudJ 36; RoncPrTr 87; JRudL 432; JRudP 169; JRudC 98–99; MarcGHP 76 n. 13; JRudZ 33–34.